Rencontres MoDaL : Immersion dans le monde de la microscopie avec Perrine Paul-Gilloteaux

Un article de Sofia Strubbia pour le projet MoDaL — cross-posté sur Biogenouest.org.


Que ce soient des données de génomique, d’imagerie in vitro ou in vivo, de modèles animaux ou végétaux, les données en sciences de la vie sont aujourd’hui pour la plupart traitées “en silos”. Le projet fédérateur MoDaL (Multi-Scale Data Links), porté par le réseau Biogenouest, vise à décloisonner les ressources et à promouvoir les moments d’échange et de travail collaboratif autour de l’intégration des données biologiques multi-échelle. Le but de ces rencontres est de découvrir la diversité des profils de la recherche en biologie et en santé dans le grand ouest.

Sofia a rencontré Perrine Paul-Gilloteaux pour les rencontres Modal le 10 juillet 2020 dans les locaux de l’équipe UMR_S 1087/UMR_C 6291 de l’Unité de Recherche de l’Institut du Thorax, à Nantes.


Présentation et parcours scientifique

Perrine Paul-Gilloteaux

Perrine Paul-Gilloteaux

Ingénieure de recherche au sein du CNRS, Perrine Paul-Gilloteaux est spécialisée dans le traitement et dans l’analyse des données d’imagerie dans le domaine biomédical. Après des études d’électronique et informatique, Perrine a réalisé son doctorat sur le suivi des déformations du cerveau lors des interventions de craniotomie en créant une reconstruction stéréoscopique du cerveau du patient à partir d’images de microscope chirurgical. Elle a ensuite continué à gagner en expertise en analyse d’image en approchant un large éventail des techniques d’imagerie, comme la réalité augmentée en chirurgie et la segmentation des tumeurs en échographie. Parmi ses réussites : le développement d’un microscope fluorescent intelligent, prenant la décision de la zone à imager et de la fréquence d’acquisition, sur la base de l’analyse en temps réel du contenu de l’image. Aujourd’hui elle dirige la plateforme MicroPICell (à Nantes) et travaille sur ces propres sujets de recherche sur l’acquisition et l’analyse d’images multimodales corrélatives.

Le fascinant monde de la microscopie

Dans l’univers de la microscopie, Perrine nous a parlé de l’imagerie photonique. Souvent utilisée avec des marquages immuno-fluorescents, cette technique permet d’utiliser plusieurs marquages spécifiques rendant possible l’étude des interactions entre différents éléments ainsi qu’un suivi au fil du temps des modifications, la localisation de l’ARN marqué… Elle apporte une dimension spatiale et dynamique sur l’organisation des phénomènes biologiques. Cette imagerie peut être tridimensionnelle, couvrir des résolutions (la possibilité de voir les détails de ce qu’on observe) et des champs de vue très variables suivant les systèmes de microscopie utilisés. Certains systèmes sont faits pour observer des cellules ou des tissus sur des lamelles de verre, vivantes ou fixées (in vitro), d’autres pour observer les cellules directement dans un modèle animal vivant par exemple (in vivo). Il existe aussi de plus en plus de systèmes d’imagerie qui ne nécessitent pas de marquage des échantillons pour les caractériser. Il existe beaucoup d’autres techniques d’imagerie qui ne sont pas basées sur l’utilisation de la lumière et des photons : par exemple l’imagerie microscopique à force atomique (AFM) est une technique utilisée pour étudier la composition des différents tissus biologiques. Le microscope est doté d’une pointe qui permet d’exercer une force et de mesurer la réponse en termes de résistance offerte par les différents tissus (ceci ne fait pas partie de l’équipement de la plateforme MicroPICell). Un dénominateur commun est que pour interpréter ses images il faut l’aide de l’informatique et de programmes d’analyse d’image.

Pour plus d’informations sur les différentes modalités d’imagerie utilisées en recherche, Perrine nous invite à lire l’article de Walter et al., 2020 (table 2 et 3).

Un exemple d’analyse de données multi-échelle

Au sein de l’institut du Thorax et de plusieurs plateformes de la SFR a lieu un projet multi-échelle pour caractériser les mécanismes à l’origine de certaines valvulopathies, qui s’appuient sur différentes disciplines et expertises. Un modèle animal a été caractérisé : avec des techniques de micro-scanner (microCT), la morphologie des cœurs de rats est examinée à l’échelle de quelques microns (µm) afin d’identifier les parties déformées d’une valve. Ces parties sont ensuite spécifiquement examinées en microscopie. Une visualisation 3D des lames histologiques est possible grâce à une technique, développée par la plate-forme MicroPICell, qui permet d’intégrer une caméra au microtome. En plus, l’intégration de données génomique et de marqueurs biologiques permet d’identifier les acteurs et les mécanismes impliqués dans la valvulopathie. Ces études ont permis d’étudier le rôle d’une protéine du cytosquelette des cellules, la filamine-A, qui leur permet de s’adapter au stress mécanique qu’elles peuvent subir. Ainsi, certains patients atteints de valvulopathie portent des mutations de la filamine-A qui perturbent spécifiquement les réponses des cellules valvulaires. Ces cellules pourraient être prédisposées, car elles sont soumises en permanence à un très important stress mécanique lors de chaque contraction cardiaque (mécano transduction).

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