Problématique et méthode
Constat : le mode de vie occidental atteint les limites planétaires
Les travaux de l’équipe STEEP s’appuient sur le constat suivant : les modes de vie des pays dits “riches” (pays de l’OCDE) sont incompatibles avec les limites planétaires en termes de disponibilité des ressources mais aussi en termes d’impacts environnementaux. Ce dépassement des limites génère une érosion des capacités du système Terre à soutenir la vie et nos sociétés. L’effondrement de la biodiversité, le changement climatique, la raréfaction des ressources en eau, l’érosion des sols, etc. n’en sont que des symptômes. Par ailleurs les échéances correspondant à l’épuisement d’un certain nombre de ressources non renouvelables critiques (énergies fossiles liquides, métaux, phosphore, potassium, …) s’annoncent être incompatibles avec nos capacités à substituer ces ressources.
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, cette dégradation est globale (planétaire) et sur tous les fronts. L’inertie biogéochimique du système Terre et celles de nos sociétés complexes et mondialisées mènent ces dernières à vivre désormais dans un environnement en dégradation continue et elles seront violemment secouées par un enchaînement systémique de chocs environnementaux et sociétaux : sécheresses, épidémies, effondrements économiques et financiers, ruptures de chaines d’approvisionnement, pénuries alimentaires, guerres, etc. L’urgence est absolue. Un certain nombre de seuils menant à des dégradations irréversibles sont bientôt atteints. Les marges de manœuvre pour se préparer aux prochains chocs et en réduire l’ampleur se réduisent comme peau de chagrin.

Rockström, J., Steffen, W., Noone, K. et al. A safe operating space for humanity. Nature 461, 472–475 (2009). Certaines limites, notamment sur les ressources, sont dépassées : elles sont utilisées plus vite qu’elles ne se reconstituent. Les limites sur les pollutions sont mal connues voire pas du tout.
Problématique : Comment transformer nos modes de production de façon à respecter les limites environnementales, à augmenter notre résilience et à satisfaire nos besoins vitaux ?
Le dépassement des limites planétaires est directement lié à nos modes de consommation et de production, ces derniers étant par ailleurs foncièrement vulnérables. Face à ces constats, nous nous fixons comme objectif d’apporter des réponses à la problématique suivante :
- Il est nécessaire de modifier radicalement et rapidement nos modes de production et de consommation. Ces transformations doivent s’articuler à toutes les échelles ; les échelles territoriales étant le pilier de cette transformation.
- Tous les acteurs des territoires, et en particulier les citoyens doivent prendre une part active dans les choix et les implémentations de ces transformations. Pour assurer leur pertinence (face aux enjeux), leur appropriation et la rapidité d’implémentation des transformations, ces choix doivent être décidées par des processus démocratiques participatifs. Cela nécessite aussi que tous les acteurs disposent d’informations, d’outils et méthodes qui leur permettent d’imaginer et de s’approprier les alternatives. La nécessité de faire des choix impose enfin de pouvoir évaluer les différentes alternatives à la fois en termes de satisfaction des besoins vitaux, de pressions environnementales (ressources, pollutions) et de résilience, par rapport aux limites environnementales et aux risques à venir, régionaux et globaux.
Cette problématique pose un certain nombre de questions :
- Que signifie la notion de durabilité environnementale des territoires dans un contexte de dégradation environnementale continue et, pour une part grandissante, irréversible ?
- Comment caractériser les alternatives sociotechniques possibles pour s’adapter à ces changements ? Comment les analyser en termes de pertinence vis-à-vis de limites environnementales globales et locales changeantes et en interaction mais également en termes de performance socio-économique (réponses aux besoins) et de résilience ?
- De quelle façon les dynamiques potentielles d’effondrement ou de déclin socio-environnemental contraignent-elles la question de la durabilité ? Dans quelle mesure la connaissance scientifique de ces dynamiques est-elle robuste ?
Méthode : analyser les enjeux à différentes échelles pour aider les décisions démocratiques
L’équipe STEEP développe des méthodes et des outils permettant de diagnostiquer et d’évaluer des alternatives sociotechniques à différentes échelles territoriales. L’équipe se focalise en particulier sur leur évaluation en termes d’impacts environnementaux et de résilience face aux différents chocs que notre société va désormais subir. Notre objectif est de fournir des outils opérationnels en s’intégrant directement dans des protocoles participatifs d’aide à la décision.
L’approche analytique construisant les modèles et l’approche participative permettant de décider collectivement doivent être menées de façon complémentaire.
Positionnement scientifique : éclairer le débat politique avec rigueur scientifique et éthique
Nous souhaitons permettre un éclairage du débat, nécessairement politique, qui doit être mené afin de décider dans quelles directions entreprendre la transition vers une société plus soutenable. Pour cela, nous envisageons de décrire, avec leurs avantages et inconvénients, différentes possibilités plutôt que de produire une prescription de ce qu’il faudrait mettre en œuvre.
L’importance des enjeux auxquels nous sommes confrontés exige une grande rigueur scientifique pour la partie analytique ainsi que rigueur éthique pour les questions politiques.
Ces recherches nécessitent une approche pluridisciplinaire, une grande ouverture d’esprit et un recul nécessaire afin d’aborder ces questions dans toute leur complexité.