(in French) Le projet Pulse : lauréat Grand Prix au concours d’Innovation i-PhD !

Manuel Pariente, doctorant au sein de l’équipe-projet Multispeech Inria/Loria, est co-porteur du projet Pulse, une startup en cours de création qui bénéficie du soutien d’Inria Startup Studio.

En juillet, ce projet a été sélectionné comme lauréat au concours d’innovation i-PhD. Sur les 43 projets lauréats, 10 sont lauréats « Grand Prix ». Parmi eux, deux sont accompagnés par Inria dont le projet Pulse !

En quoi consiste Pulse ?

Les troubles de l’audition et les handicaps que ces troubles sous-tendent ont un impact délétère sur la qualité de vie. Les dispositifs d’aide à l’écoute actuels n’offrent pas des performances satisfaisantes et ne permettent pas aux utilisateurs de choisir ce qu’ils désirent écouter. Pulse est un projet de lunettes auditives intelligentes offrant la possibilité à l’utilisateur de sélectionner la source sonore qu’il/elle veut écouter. Nous avons souhaité en savoir plus…
Retrouvons Manuel pour une interview sur son parcours, sur la genèse, l’histoire de ce projet et sur les grandes étapes à venir !

Manuel, quel est ton parcours ?

Je termine ma 3e année de thèse au sein de l’équipe Multispeech. J’ai déposé mon manuscrit au début de l’été, le même jour que la naissance de ma fille ? La soutenance est prévue pour fin septembre.

J’ai toujours aimé les mathématiques ! Après le lycée, je me suis donc orienté vers une classe préparatoire en maths et sciences de l’ingénieur. J’ai poursuivi avec une licence et un master de physique à l’ENS Paris – Saclay, puis par une année de césure dédiée à la musique.

Par la suite, j’ai effectué un master en Sciences cognitives à l’ENS d’Ulm. En parallèle de cette formation, j’ai étudié le traitement du signal, l’informatique et l’intelligence artificielle à l’IRCAM. En deuxième année de master, j’ai réalisé un stage sur la thématique du rehaussement de la parole avec pour projet la réalisation d’applications en temps réel pour les prothèses auditives. J’ai ensuite poursuivi ce travail en tant qu’ingénieur pour améliorer les performances des algorithmes développés pendant le stage et concevoir une « preuve de concept » pour un système embarqué. Cette expérience a été la base de mon expertise pour le projet Pulse. À la recherche de « mentors » pour m’accompagner et me perfectionner en audio et IA, j’ai candidaté pour réaliser une thèse au sein de l’équipe-projet Multispeech sous la direction d’Emmanuel Vincent et Antoine Deleforge. Je suis arrivé au centre Inria Nancy – Grand Est en 2018.

Quels sont les liens entre ta thèse et le projet Pulse ?

Pendant ma thèse, j’ai continué à cultiver mes compétences en rehaussement de la parole et en IA, des domaines qui se retrouvent au cœur du développement de prothèses auditives. En particulier, j’ai créé un logiciel de séparation de sources et de rehaussement de la parole basé sur les réseaux de neurones : Asteroid. Ce logiciel open source compte déjà une quarantaine de contributeurs. Il y a un an, une Action de Développement Technologique Inria a également été initiée à partir de ces travaux.

Le rehaussement de la parole peut avoir plusieurs applications dans le domaine industriel ou le monde de l’entreprise. Cependant ce qui m’intéresse réellement, c’est l’aspect humain. Je souhaite mettre à profit mes compétences pour aider les personnes. Construire des prothèses auditives qui restaurent l’intégration sociale des malentendants répond parfaitement à cette envie.

Comment est né le projet Pulse ?

J’ai remarqué aux repas de famille que lorsqu’il y a trop de bruit à table, ma grand-mère n’arrive plus à suivre les conversations alors que lors d’un échange en duo, on s’en sort. La distinction entre les différentes sources sonores est très compliquée et fatigue beaucoup les malentendants. Dans le monde, près d’un demi-milliard de personnes sont malentendantes, et seulement 17% d’entre elles sont équipées de prothèses auditives. Même appareillées, ces personnes souffrent de ce type de situations. Malheureusement, l’amélioration des prothèses auditives stagne. Le marché est composé de cinq grands acteurs, il y a peu de pression donc peu d’évolution. C’est pourtant un mal qui touche de nombreuses personnes ! Je souhaite donc m’impliquer pour faire bouger les choses ! Les connaissances actuelles et les technologies existantes peuvent nous permettre d’améliorer grandement la vie de ces personnes.

L’idée de construire de meilleures prothèses auditives est présente depuis mon passage à l’ENS. En septembre 2020, j’ai parlé de cette envie avec mon ami de lycée Thibaud Moufle, ingénieur en BioTech et en MedTech. Sa réponse a été claire : “I’m in”. Fin 2020, nous avons donc décidé de nous lancer dans l’aventure.
Nous sommes alors entrés en contact avec le Startup Studio d’Inria. Avec l’aide d’Emmanuel Gothié et de Monica Le Bezvoët du STIP d’Inria Nancy – Grand Est, nous avons monté un dossier puis nous sommes passés devant un jury qui a validé notre idée. Ensuite est venue l’annonce du concours i-PhD. Nous avons décidé de candidater. Cela a été l’occasion pour nous de nous poser les bonnes questions, d’avancer plus concrètement dans le projet, d’apporter une réelle proposition de valeur. Ce concours nous a permis d’y voir plus clair et de conforter notre idée de départ. Nous sommes vraiment ravis que notre projet ait été sélectionné comme lauréat Grand Prix !

Peux-tu nous en dire plus sur ces prothèses auditives ? Comment vont-elles fonctionner ?

Le problème évoqué précédemment est la difficulté pour un malentendant de se concentrer lors d’un échange avec plusieurs personnes. Pour résoudre ce problème, nous allons implémenter notre système dans des lunettes. Pourquoi ? Parce que chez les malentendants, l’intention visuelle traduit énormément l’intention auditive. La personne regardée correspond généralement à la personne écoutée. Avec des caméras placées sur les lunettes, nous pourrons réussir à décoder la position des yeux et aider le patient à se focaliser au niveau de l’écoute sur cette personne. La source sonore sélectionnée sera rehaussée à l’aide d’algorithmes d’IA multicanaux qui opèrent sur l’ensemble des micros placés sur les lunettes et retransmise à l’utilisateur par conduction osseuse.

Quel est le business model envisagé ?

Aujourd’hui, nous réfléchissons encore au business model précis. Un de nos rêves serait de le baser sur l’open source et de mettre à disposition de toute la communauté des professionnels des logiciels de qualité en licence permissive. Il y aurait plusieurs parties : de l’intelligence artificielle pour le rehaussement de la parole, des éléments pour compenser les pertes auditives et la partie hardware. Il existe peu d’outils pour le faire en open source aujourd’hui et cela permettrait à beaucoup plus de personnes, de startups d’entrer dans le domaine et de faire évoluer le marché.

Des collaborations sont-elles prévues ? Avez-vous déjà un prototype pour faire des tests ?

Plusieurs collaborations sont possibles. Je suis en lien avec le laboratoire des systèmes perceptifs, où j’étais ingénieur avant de venir chez Inria. J’y ai déjà fait des tests perceptifs sur les normaux-entendants par le passé. Un autre partenaire avec qui nous avons déjà échangé est l’Institut de l’audition. Un de leurs objectifs est de cartographier différents types de troubles auditifs et de travailler avec différentes cohortes de patients. Nous espérons que cela nous permettra de fournir des prothèses auditives pour tous les types de pertes auditives.
Côté hardware (électricité, design mécanique, etc.) ce n’est pas ma spécialité. Nous avons cependant pu bénéficier d’un travail d’un stagiaire de l’ENS exceptionnel. En septembre, nous devrions donc avoir un prototype qui permettra d’enregistrer des données à partir desquelles nous allons pouvoir développer des algorithmes et faire des tests sur de futurs utilisateurs.

Le projet Pulse est lauréat du concours i-PhD. Thibaud et toi êtes accompagnés par le Startup Studio. Qu’est-ce que chacun de ces soutiens pourra apporter à votre projet ?

Le startup studio est un programme qui intègre un soutien stratégique au projet, des conseils opérationnels, des ateliers et un accompagnement financier. Nos salaires seront notamment pris en charge et nous aurons aussi un budget de fonctionnement. L’accès aux équipes de recherche et partenaires industriels d’Inria est aussi un plus dans le parcours Startup Studio.
Concernant le concours i-PhD, notre prix nous fait bénéficier d’un accompagnement spécifique pour les jeunes créateurs de startup, nous offre de la visibilité et nous donne une sorte de ticket d’entrée pour obtenir la bourse FrenchTech.
En septembre, Thibaud et moi partons à Inria Sophia-Antipolis pour développer le projet.

Voilà une belle aventure qui commence pour Manuel et Thibaud ! Nous leur souhaitons une pleine réussite ? Et bien sûr, nous serons à l’écoute…